Pôle-Besogne, 4 avril 1682
– Bien le bonjour, Monsieur, prenez place, déposez votre hache ici, quel bon vent vous amène ?
– Bonjour Monsieur, je m’appelle Gilbert, j’ai 38 ans. Cela fait bientôt 18 ans que j’officie place Morimont (Emile Zola) à Dijon en qualité de maître des hautes œuvres.
– Ah, un bourreau ! Ma foi, vous ne risquez pas de manquer de travail, je ne comprends donc pas votre présence ici, expliquez-moi !
– J’ai à cœur de me mettre en quête d’un nouveau labeur qui me donnerait autant de satisfactions que celui d’agent d’exécution. Mais, je me sens comme écartelé entre la fierté du travail bien fait et l’opprobre que ce labeur jette sur ma famille. C’est à en perdre la tête !
De plus, j’ai un pressentiment étrange : je suis convaincu que d’ici quelques décennies, on trouvera une machine pour remplacer la main de l’homme dans l’exécution de cet art.
J’ai donc entrepris quelques recherches par le biais notamment des petites annonces éditées dans la gazette Chronos.
Habile de mes mains, la précision étant au cœur de mon ouvrage, je souhaite naturellement m’orienter vers un métier manuel. Ce n’est pas ce qui manque et les artisans sont facilement repérables pour qui a connaissance du nom des rues du centre-ville de Dijon.
Las, chaque tentative s’est soldée par un échec, je n’ai aucunement réussi à me défaire de mes réflexes conditionnés, déformation professionnelle me direz-vous…
En effet, un jour, le forgeron de la rue des Forges m’ordonna de me hâter en me lançant un sonore «exécution! ». Je respectai ses ordres et je l’exécutai donc. Les lames ça me connaît, vous pensez bien ! Quel dommage !!!
En quête de mon nouveau gagne-pain, je commençai un long parcours de recherches et m’essayai aux différents métiers proposés.
Je fis preuve de beaucoup de zèle et lorsque le vannier de la rue Vannerie me conseilla de penser à « bien raccourcir », le drapier de la rue de la Draperie (haut de la rue Chaudronnerie) de « tailler plus court », le verrier de la rue Verrerie de procéder au « décalottage », le chaudronnier de la rue Chaudronnerie de « cisailler », j’exécutai. Je ne compris alors que trop tard qu’ils me parlaient de rotin, de tissu, de verre et de fer. Ce malheureux fourvoiement eut pour moi de fâcheuses conséquences.
Je me rendis enfin quartier des tanneurs car si j’ai coutume de mettre à mort des êtres vivants, j’ignore comment valoriser leurs restes.
– Oui, oui, je vois ce que vous recherchez, sieur Gilbert. J’ai ouï dire que le boucher de la rue Vieille Tuerie, perpendiculaire à la rue de la Grande Boucherie (rue du Bourg), était à la recherche d’un équarrisseur. La tâche nécessitant de bien connaître l’anatomie et l’art de la découpe, vous pourriez envisager une rencontre avec cette personne…. et « échafauder » un plan de carrière!
Au fait, n’oubliez pas votre hache, elle pourrait vous servir !