Territoire d’Industrie et moteur de la relance du nucléaire sur le territoire, le Grand Chalon compte sur sa dynamique actuelle pour attirer les jeunes générations et participer à l’ambition industrielle et nucléaire française telle qu’elle a été définie par les pouvoirs publics.
À l’occasion de la semaine nationale des métiers du nucléaire, le Grand Chalon organisait jeudi dernier à Chalon-sur-Saône une conférence sur les besoins en compétences de la filière (suivre notre lien), animée par Emmanuelle Galichet, docteure en physique nucléaire. L’ambition de la collectivité : se positionner comme un acteur incontournable de la relance industrielle et nucléaire en France. J’aime Dijon a pu rencontrer le président du Grand Chalon, Sébastien Martin. Entretien.
J’aime Dijon. L’objectif de la conférence était d’informer les jeunes sur la filière nucléaire ?
Sébastien Martin. La conférence était uniquement adressée aux étudiants. La salle était pleine ! 180 jeunes étaient présents pour s’informer et poser des questions. L’intervenante, Emmanuelle Galichet, avait de l’énergie à revendre. C’était une belle rencontre.
Quel a été le message de la conférence ?
Le message a été de dire aux jeunes étudiants du Grand Chalon que la filière nucléaire a besoin d’eux et qu’ils peuvent participer à un double enjeu. Le premier est la décarbonation de toute notre énergie. Aujourd’hui, malgré la présence du nucléaire, plus de 50% de l’énergie utilisée en France est carbonée. Le second est l’emploi. Dans cette filière, il peut y avoir des perspectives d’embauche extrêmement intéressantes. Une offre de formation sur le territoire et au niveau national est à la disposition des étudiants.
Les acteurs de l’énergie alertent sur les besoins en recrutement dans la filière nucléaire.
Les besoins en recrutement sont de l’ordre de 10.000 recrutements par an pendant dix ans. En plus de l’ouverture de nouveaux postes, le sujet du renouvellement des générations se présente. 30% des salariés du nucléaire ont plus de 50 ans et partiront en retraite dans les dix ou quinze ans qui viennent. Les professions sont également à féminiser : 80% des personnes qui travaillent actuellement dans la filière nucléaire sont des hommes. Le recrutement est un enjeu extrêmement fort si l’on veut réussir l’ambition nucléaire française telle qu’elle a été fixée par l’État.
D’autres rendez-vous sur la thématique du nucléaire seront-ils organisés à Chalon ?
En septembre, en plein centre ville de Chalon, nous organiserons la deuxième édition du Viva Factory. Cet événement permet aux jeunes et à leur famille de rencontrer les entreprises, les formations et les conférenciers de l’industrie, notamment du nucléaire, et de découvrir les métiers de la filière.
Comment le Grand Chalon se positionne en tant que moteur de la relance du nucléaire ?
Chalon dispose des outils essentiels pour construire les centrales nucléaires et leur intérieur. Nous fabriquons les générateurs de vapeur et la cuve du réacteur. Deux grandes usines Framatome emploient 2.700 personnes sur le territoire. Des sous-traitants embauchent pratiquement autant de personnes. Au total, près de 5.000 personnes travaillent de près ou de loin dans la filière sur un bassin d’emploi comptant un peu plus de 40.000 salariés. Toutefois, même si de grandes usines sont présentes sur le territoire, les jeunes ne connaissent pas forcément les métiers de la filière nucléaire. Le rôle du Grand Chalon est de faire œuvre de beaucoup de pédagogie à leur endroit : le nucléaire est une filière d’avenir qui paye bien et qui recrute pour les 20 à 40 ans qui viennent. À Chalon, vous pouvez vous orienter ou vous réorientez vers ces métiers. Plusieurs formations sont ouvertes aux étudiants sur le territoire, dont une licence en contrôle non destructif à l’IUT. L’UIMM propose également des diplômes au CFA de l’industrie.
Le Centre d’expérimentation des techniques d’interventions sur les chaudières nucléaires (CETIC) est installé sur le territoire chalonnais.
Le CETIC permet aux personnels habilités à intervenir dans les centrales, de s’entrainer et de construire les outillages nécessaires dans un environnement qui n’est pas aussi dangereux que l’intérieur d’une centrale nucléaire. Le CETIC est la grand-mère de l’usine Framatome de Saint-Marcel. On y a fabriqué les premiers générateurs de vapeur.
Le nucléaire est-il un secteur historique à Chalon ?
C’est parce qu’il y a un savoir faire industriel et métallurgique depuis deux siècles sur le territoire chalonnais que des usines comme Framatome ont pu s’y développer dès les années 70. Les métiers de la métallurgie sont indispensables pour fabriquer les éléments d’une centrale nucléaire.
La formation chalonnaise s’ouvre-t-elle à d’autres secteurs que la métallurgie ?
Oui ! Nous travaillons avec l’université pour mettre en place une plateforme technologique autour du contrôle non destructif. Ce contrôle permet de s’assurer de la sûreté, de la conformité et de la résistance à toute pression d’une pièce métallique sans la casser. Il est effectué dans le nucléaire, mais également dans l’aéronautique et le transport ferroviaire. Cette plateforme permettra de développer des projets de recherche, ainsi que des nouvelles technologies et techniques. Nous allons aussi colorer un titre d’ingénieur sur l’intelligence artificielle et la data autour des usages qui peuvent en être faits, notamment dans le nucléaire.
La coloration des formations part du principe que tous les secteurs sont concernés par la décarbonation.
La décarbonation concerne tous les secteurs qui ont besoin d’énergie : les transports, le logement, les outils industriels, l’agriculture…. À défaut de solution d’absorption du CO2, nous avons le souci de trouver des solutions de décarbonation car le CO2 contribue au réchauffement climatique.
Le nucléaire doit s’adapter au rythme de la décarbonation de l’activité humaine.
Oui ! Le nucléaire doit aussi se moderniser pour accroître ses rendements et réduire ses déchets. Il est néanmoins utile de rappeler qu’il ne produit que très peu de déchets ultimes en France : l’équivalent de deux piscines olympiques. En revanche, il faut prendre conscience que l’uranium n’est pas une ressource inépuisable et qu’il est nécessaire d’améliorer l’efficience de son utilisation. Beaucoup de progrès sont à faire : c’est aussi un message pour les jeunes. Par ailleurs, le nucléaire est constamment en train d’évoluer. Si la France dispose de très grands réacteurs capables d’alimenter, chacun l’équivalent de six millions de foyers, plusieurs start-up se lancent dans le développement de petits réacteurs modulaires pour alimenter des zones industrielles.
Le Grand Chalon est un Territoire d’Industrie. Quels leviers vous accordent cette labellisation ?
Une enveloppe nationale de 100 millions d’euros est accordée aux projets portés dans les Territories d’Industrie. Le label nous ouvre le financement d’un poste de chef de projets animant la communauté industrielle. Il pourrait également nous ouvrir des financements autour de projets de formation en industrie et en nucléaire que nous monterions. En tant que Territoire d’Industrie, la banque des territoires nous soutient pour investir sur des terrains industriels ou la rénovation d’usines. L’obtention de ce label démontre notre volontarisme en matière d’industrialisation : c’est un signal important envoyé à celles et ceux qui veulent créer des usines.
Comment voyez-vous l’avenir du Grand Chalon ?
Ce qui se passe sur le territoire a un impact très fort et permet d’attirer un certain nombre de cadres que nous avions perdus depuis Kodac. C’est très positif d’attirer une population jeune avec un pouvoir d’achat un peu plus important qui investit sur le territoire et participe au renouvellement des générations. Rien qu’à Framatome, 600 recrutements sont prévus dans les trois ans. Il y en a déjà eu 200. Le fabriquant de pompes à chaleur Atlantic a annoncé l’installation d’une usine et 350 recrutements à Chalon. Une autre usine d’agroalimentaire espagnole devrait également embaucher 200 salariés pour une première phase.
Le territoire chalonnais est en pleine dynamique industrielle.
Nous avons une dynamique industrielle extrêmement positive sur le territoire aujourd’hui. Le territoire chalonnais est marqué par l’industrie et le sera encore plus. Un salarié sur quatre travaille dans l’industrie. C’est important car la rémunération et la valeur ajoutée y sont supérieures à celles des services dans une ville de taille moyenne telle que la nôtre. Je fais aussi le choix de l’industrie car la rémunération y est plus plus importante de 20% par rapport à celle des services : je veux que les gens vivent bien.
Quel message souhaitez-vous faire passer aux jeunes en tant que président du Grand Chalon ?
L’industrie a besoin des jeunes. Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain. Aujourd’hui, on dit que l’industrie est l’avenir. Il n’y a pas si longtemps, on ne le disait pas car on fermait des usines : la part d’industrie dans le PIB et le nombre d’emplois industriels en France ont été divisés par deux. Les jeunes et leurs parents croiront en la filière industrielle dans la durée avec la réinstallation progressives d’usines. Comme Saint Thomas, ils ne croient que ce qu’ils voient. Or, aujourd’hui, le territoire connaît une dynamique industrielle et nucléaire. C’est l’objectif de la conférence que nous avons organisée dans le cadre de la semaine nationale des métiers du nucléaire, mais également de Viva Factory. Nous devons continuer à développer avec l’université plus de formations techniques et d’ingénierie sur un territoire comme le Grand Chalon. Je vois beaucoup d’élèves qui suivent leur formation d’ingénieur à Dijon, mais qui réalisent leur alternance au Creusot et à Chalon. Nous avons besoin de l’enseignement supérieur dans notre territoire du Grand Chalon.