Toc toc, qui va là ? Le Jacquemart !

Mylène s’intéresse aujourd’hui à Jacquemart, fièrement installé sur l’amorce de la tour sud de la façade de l’église Notre-Dame de Dijon.

– Bonjour Docteur.

– Bonjour Jacquemart. Prenez place, installez-vous confortablement, nous allons commencer l’entretien. Qu’est-ce qui vous amène ?

– Pour tout vous dire, depuis quelques temps, une sorte de mélancolie s’est emparée de moi. Mon corps et mon esprit engourdis souffrent de réaliser la même tâche chaque heure de chaque jour.
Pourtant populaire, j’ai la sensation que les Dijonnais ne me regardent plus vraiment comme avant.
Ce doit être dû à la crise des 638 ans.

Vous savez Docteur, je n’ai pas toujours eu la vie facile.
Pour commencer, mon nom est d’une grande banalité, un jaquemart étant un automate qui sonne les cloches, on n’est pas allé chercher bien loin mon nom de baptême. Croyez-vous qu’il vous serait très agréable de vous prénommer « Psychiatre », vous ?
Je suis un immigré Belge, arraché à ma belle ville de Courtrai par l’armée de Philippe de Hardi pour ensuite être offert en cadeau à la ville de Dijon. Le voyage fut assez chaotique, ma cloche en a même été brisée.
Oh vous savez, je n’ai théoriquement pas à me plaindre car mon lieu de vie, la cathédrale Notre Dame est superbe et le panorama sur la ville est à vous couper le souffle.

– Très bien Jacquemart, j’entends vos souffrances. Et si vous tentiez d’appréhender votre vie sous un autre angle : en qualité de plus ancien Jacquemart d’Europe, vous faites depuis 1383 la fierté des Dijonnais.
Vous avez certes vécu une période prolongée de célibat mais votre rencontre avec Jacqueline, votre femme a été un émerveillement. Unis depuis 1651, vous formez ce que l’on peut trivialement appeler un couple qui dure ! Vous vivez et travaillez ensemble depuis 370 ans à ce jour ! Jacqueline a une place prépondérante dans votre vie personnelle mais aussi professionnelle. Afin de préserver le monumental timbre qui est votre outil de travail, vous sonnez l’heure en alternance, face à face, les yeux dans les yeux.
De votre union sont nés deux magnifiques enfants. Jacquelinet a vu le jour en 1714 sur les conseils avisés de monsieur Piron père. L’amour étant plus fort que tout, en 1884 vous avez accueilli la petite Jacquelinette au sein de votre belle famille.

Vous avez inculqué les valeurs et le savoir-faire d’un bon Jacquemart à vos deux petits qui, depuis, sonnent quart et demi-heure à vos côtés.

Quelle fierté ce doit être pour vous d’avoir résisté si vaillamment aux bouleversements de l’histoire, aux coups de pinceaux patriotiques puis royalistes et aux aléas du temps !

Votre rôle « d’horloge municipale » est central et celui « d’icône du patrimoine Dijonnais » l’est tout autant.
Votre famille vous aime, les Dijonnais vous aiment. Continuez à accompagner notre quotidien. Ne voyez pas votre fonction comme répétitive mais comme la beauté des choses immuables quand notre monde est en perpétuel mouvement. Beau et rassurant, la pipe à la bouche et l’air fier, quoi qu’il puisse arriver dans nos vies, vous êtes là…

Voilà Monsieur Jacquemart. Vous avez votre carte vitale ?