Récompensé du Grand Prix par le Festival de l’Alpe d’Huez, Nous, les Leroy s’annonce comme l’une des grandes comédies françaises de l’année. Tourné à Dijon et en Bourgogne, le film met en scène, dans les rires et les pleurs, une histoire universelle : le problème de communication dans les familles. Entretien avec Florent Bernard, le réalisateur et le scénariste du film.
C’est l’histoire d’une famille comme il en existe des milliers : le père colérique (José Garcia), la mère en burn out (Charlotte Gainsbourg) et les ados en pleine crise existentielle (Lily Aubry et Hadrien Heaulmé) ne réussissent plus à communiquer. Pour éviter le divorce, le père entreprend un road trip bourguignon avec sa famille, le temps d’un weekend, retraçant les moments clefs du couple. De nombreuses rencontres hautes en couleur attendent la famille… Les Dijonnais ont pu découvrir Nous, les Leroy en avant-première au cinéma Pathé Dijon lundi soir, avant sa sortie en salle le 10 avril prochain.
J’aime Dijon. Les avant-premières se sont bien passées à Dijon !
Florent Bernard. Les avant-premières se sont extrêmement bien passées ! Nous sommes très contents. Le public était au rendez-vous et a bien réagi au film. Nous avons même dû rajouter une séance à Dijon !
Comment vous est venu l’idée de ce premier film en Bourgogne ?
Le film évoque des souvenirs d’adolescence. Il était logique pour moi de tourner là où j’avais ces souvenirs. Je connaissais les lieux puisque j’y ai traîné pendant 18 piges. Je me suis toujours dit qu’il y avait des décors de cinéma en Bourgogne : les zones commerçantes, les ronds-points, les rues piétonnes… Je les trouve éminemment cinématographiques. Quand l’idée est apparue de réaliser mon premier film, et lorsque je l’écrivais, j’avais des endroits de la Bourgogne en tête. Cela aurait été absurde de tourner ailleurs.
La diversité des paysages bourguignons a été un atout pour votre film ?
Les vignes du côté de Nuits-Saint-Georges, les jolies rues piétonnes de Dijon, les zones commerçantes un peu plus urbaines qui sont aussi le paysage de ces régions françaises… Pour un road trip sur une toute petite distance, il me fallait une pluralité de décors. En Bourgogne, nous l’avions !
L’histoire des Leroy est universelle. Même si le film se passe à Dijon et en Bourgogne, chacun en France pourrait s’y reconnaître ?
Plus on est intime, plus on est universelle. J’aime les comédies qui rappellent la vraie vie. Le titre du film n’est pas anodin : le « nous » de Nous, les Leroy, se rattache à nous tous qui avons une famille.
Dans votre film, on retrouve les comédies françaises drôles et sentimentales de la fin des années 2000, et le côté road movie à l’américaine. Ce mélange des genres décuple les émotions du rire et des larmes ?
C’était un peu le but. Les comédies françaises des années 70/80 de Patrice Leconte, de Pierre Salvadori, d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri ont aussi été des références pour moi. Les personnages sont au centre. On est cruel avec, mais on les aime. Patrice Leconte a aussi réalisé un road movie avec Tandem. C’est un genre que les Français ont déjà traité. Mais oui, je pense que dans ma cinéphilie, ce mélange de cultures existe. Si elle se retrouve dans le film, c’est assez logique.
« La comédie, c’est la pudeur de parler de choses tristes »
Beaucoup de comédiens du film ont joué dans plusieurs genres : Charlotte Gainsbourg, José Garcia, Simon Astier… Est-ce une volonté de votre part d’avoir choisi des acteurs multi-facettes pour accentuer la comédie et le drame ?
L’idée était déjà de faire une comédie. Je suis persuadé que les acteurs de comédie sont aussi des grands acteurs de drame de toute façon. Charlotte et José ont déjà fait du drame. Ce sont surtout des acteurs que j’aime ! Je réfléchissais moins en tant que « ok de quoi ils sont capables », car je sais qu’ils sont capables d’énormément de choses et qu’ils ont joué dans des films extraordinaires. Je me suis juste dit que j’avais la chance de les avoir et de pouvoir les utiliser au mieux pour mon histoire et mes personnages. D’ailleurs, mes personnages sont devenus « nos » personnages, tellement ils ont apporté à leur rôle.
Même les scènes de larme contribuent au rire !
La comédie, c’est la pudeur de parler de choses tristes. Je ne me verrais pas réaliser un film d’une heure et demie sur une mère en burn out et un père un petit peu issu du patriarcat qui est dur avec sa famille. Alors que pourtant, c’est exactement ce que que raconte mon film ! Mais la couche de comédie permet de faire passer plus facilement les choses, de rendre les personnages attachants et de questionner le rapport que nous avons avec eux. La comédie est un outil extrêmement fort et efficace qui vous permet aussi d’aborder des zones un peu plus sombres. D’ailleurs, lorsque je fais le bilan des films qui m’ont touché, il y a principalement des comédies. C’est comme dans la vie : dans une soirée vous allez plutôt être attiré par la personne qui vous fait marrer que la personne triste au fond de la salle.
Tous les personnages dans votre film ont une importance : les deux adolescents de la famille Leroy qui connaissent les problèmes de leur âge, mais également tous les seconds rôles, le gendarme, le serveur…
Je séparerais presque les adolescents interprétés par Lily Aubry et Hadrien Heaulmé des autres seconds rôles parce qu’ils sont tout aussi importants que les personnages des parents joués par Charlotte Gainsbourg et José Garcia. Le rôle principal, c’est la famille ! En ce qui concerne les seconds rôles, ils ont en effet tous une importance dans le film. Ce ne sont que des personnages à problèmes : on sent tous qu’ils ne vont pas bien dans leur vie même s’ils ne viennent que pour une blague. Le caricaturiste a un truc qui ne va pas. Le nouvel habitant de l’ancien appartement des Leroy, joué par Jérôme Niel, a un problème avec son père, etc. L’idée c’est que ce ne soit pas gratos un sketch d’un coup de trois minutes qui n’a rien à voir avec la choucroute ! L’idée c’est que ce soit logique dans ce que l’on raconte au niveau thématique et sur l’histoire de nos personnages. C’est un peu ce que je disais hier aux avant-premières : lorsque je regarde un film, j’aime bien que tous les personnages soient amusants et intéressants. Si c’est juste pour qu’il y ait écrit dans le scénario « serveur 1 » et que le serveur dise « voilà du vin », « voilà l’addition », « au revoir »… Je ne me verrais pas rencontrer un comédien pour lui demander de jouer ça. J’ai envie qu’il ait un vrai personnage à incarner avec un prénom, un métier, un back-ground et quelque chose à faire. L’acteur vient s’amuser et ça s’en ressent à l’écran.
Après les séries Bloqués, La Flamme et Le Flambeau que vous avez scénarisées et qui mettent en avant un humour décalé, vous avez voulu élargir votre palette ?
Il y a peut-être un peu plus d’émotion. Déjà, il y a la façon de raconter l’histoire. Dans La Flamme, il y a je pense au bas mot un gag par minute. C’est un rythme qui n’est pas tenable dans un film. Pour moi, Nous, les Leroy est presque un retour aux sources. Quand j’ai commencé sur internet à Golden Moustache, je faisais des courts-métrages qui mélangeaient la comédie et l’émotion. J’ai également essayé de garder l’aspect décalé des séries Bloqués, La Flamme, Le Flambeau sur certaines scènes. Ces moments où l’on se dit « ouh la la qu’est ce qui se passe ? »… C’est ce qui me plaît ! Le cinéma est un manège à la base : il faut surprendre le spectateur, notamment avec l’arrivée de personnages hauts en couleur dans le film. D’autant que mon histoire est « assez classique », mais volontairement ! Je revendique le fait que ce soit une histoire classique, parce que je la voulais universelle. Ce qui fait son originalité, c’est ce ton. C’est les arrivées de personnages un peu tarés au milieu de tout ça qui vont faire un peu exploser le truc pendant le film.
Vous avez d’autres projets dans la région ?
Je suis en train d’écrire le second long-métrage que je réaliserai. Là, c’est un peu tôt pour savoir encore « qui, que, quoi, comment ? ». Mais moi, j’adore la région. Donc oui, l’idée c’est de revenir. C’est sûr et certain. Et en plus, ça c’est super bien passé en Bourgogne. Nous avons tellement bien été accueillis. Que ce soit à Dijon ou à Autun. Même s’il ne faisait pas chaud lorsque nous avons tourné en mars et en avril, tout le monde a été adorable avec nous, notamment les figurants. Mais le projet le plus proche, c’est l’écriture avec Sébastien Vanicek, avec qui j’avais déjà travaillé sur Vermines, d’un film pour Hollywood qui est une suite de la saga d’horreur Evil Dead. Le producteur Sam Raimi en avait réalisé la trilogie originelle. On est en train de l’écrire en même temps que la sortie de Nous, les Leroy. C’est un peu ce qui me prend mes journées en ce moment. Après, j’aimerais effectivement m’atteler à mon second long-métrage.