J-1 avant la première édition de l’événement business à ne pas rater ! Ce mardi 1er octobre, Jean-Philippe Girard et David Butet lancent leur nouveau mouvement, L’audace d’entreprendre. Un sujet à la croisée de la philosophie et de l’économie qu’ils abordent dans son sens le plus large. L’objectif : animer ou réanimer cette flamme de l’entrepreneuriat… de 10 à 70 ans. Entretien croisé.
J’aime Dijon. Une légende urbaine veut que le sujet « Qu’est-ce que l’audace ? » soit tombé un jour à l’épreuve du bac de philosophie. La meilleure note aurait été décernée à un candidat ayant laissé la première page blanche et écrit au verso de sa copie : « L’audace, c’est ça ! » Si vous aviez été cet étudiant, qu’auriez-vous répondu ?
Jean–Philippe Girard. Déjà, je n’aurais pas pu répondre par une page blanche. Dans un monde un peu chahuté et une économie plus ou moins difficile, dans un contexte où l’on semble tous avoir un prétexte de ne pas faire et d’attendre, pour moi, l’audace, c’est agir. Tout ce qui se passe ne doit pas nous paralyser. Il faut réinjecter de l’audace dans la création d’entreprise, la reprise d’entreprise et le renouvellement des entreprises en difficulté. L’audace, c’est un pas en avant dans l’inconnu, en dehors des sentiers battus.
David Butet. C’est un bon sujet pour le bac, car pour moi, l’audace, c’est une philosophie
de vie. On en manque beaucoup, notamment parce qu’on ne l’apprend pas, un peu comme l’entrepreneuriat. L’audace, c’est se libérer, oser, c’est se sentir suffisamment bien dans sa peau pour envisager de changer les choses, que ce soit à un grand ou à un petit niveau. L’audace, c’est la phrase de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »
L’audace rime-t-elle toujours avec le risque ?
J.P.G. Le risque fait partie de l’audace, mais l’audace confronte surtout au risque de réussir. Prendre un risque ou faire preuve d’audace, ce n’est pas la même chose.
D.B. C’est une association très française. L’expression « take your chance » (prendre sa chance, ndlr) et l’expression française « prendre un risque » se réfère toutes les deux à une forme d’audace, mais le monde anglo-saxon est plus positif à cet égard.
Et vous, c’est quand la première fois que vous avez été audacieux ?
J.P.G. Je m’en souviens bien ! J’avais 15 ans, j’habitais dans le Jura et mon rêve, c’était d’être Jean-Claude Killy, c’était le rêve olympique. J’avais donc décidé d’acheter mon propre équipement, car mes parents n’en avaient pas les moyens. J’ai donc décidé de descendre à la boulangerie de Morbier, de pousser la porte et de leur demander du travail. Emmanuel Macron le reprend d’ailleurs dans mon livre, dont il a écrit la préface. Il écrit : « Je n’ose plus dire qu’il suffit parfois de traverser la rue, alors je dirai (…) qu’il faut au moins savoir pousser des portes.«
D.B. C’était à 15 ans aussi. Un grave accident m’a fait réaliser qu’il ne me restait plus qu’à sortir de ma timidité et de mon introversion pour profiter pleinement de la vie. Ça a fait naître chez moi une faim de vivre qui me reste encore.
En voyant le programme de votre événement du 1er octobre au Zénith de Dijon, L’audace d’entreprendre, beaucoup pourraient parler d’inconscience au vu du nombre d’ateliers, de tables rondes et d’animations que vous avez préparées. J’imagine que vous préférez parler d’audace ?
J.P.G. Nous avons commencé à mobiliser une dizaine d’associations, puis quinze, puis vingt et nous avons fini à 38. C’est formidable ! Bravo à toutes celles et ceux qui se lèvent chaque matin pour accompagner les créateurs et repreneurs d’entreprises, sans oublier d’aider celles et ceux qui ont échoués. Chaque association apportera une, deux, voire trois contributions pour cette journée et c’est extraordinaire pour nos jeunes et moins jeunes qui vont venir le 1er octobre.
D.B. Nous allons proposer 170 expériences, avec des jeux, des escape games… Il y en aura pour tous les âges et pour toutes les maturités. Alors, ça peut sembler ambitieux – et sans doute audacieux – mais c’est la seule réponse à la hauteur de la mobilisation que nous pouvions apporter. Très tôt, nous avons tablé sur une forte participation : près de 4 000 participants. Quand on a 38 réseaux d’accompagnement et 60 partenaires et mécènes… ça va vite. Nous avons aussi une cible particulière, rarement touchée par ce type d’événement : les enfants, avec un partenariat pédagogique avec le rectorat. Nous avons des classes de CM2, de collégiens et de lycéens également qui seront présents.
Des exemples d’animation ?
D.B. Il y a eu par exemple le jeu de la Banque de France, un jeu de plateforme qui permet de découvrir véritablement ce qu’est l’entrepreneuriat, et tous les âges pourront y jouer. Le jeu sera décliné pour les enfants dès 8 ans, pour apprendre à gérer son budget.
Quelle est la genèse de ce grand projet ?
J.P.G. Je trouve que nous avons un vrai problème aujourd’hui : nous avons de plus en plus de gens qui critiquent, qui analysent le monde entrepreneurial, mais peu de personnes qui font. Il va bientôt y avoir plus d’experts et d’analystes que d’entrepreneurs. Ils savent pratiquement tout ce qu’il faut faire, sauf qu’ils ne l’ont jamais fait. Alors que ça ne peut passer que par l’action ! On arrête d’écrire des pages entières sur ce qu’est l’entreprise, l’entrepreneur, et on agit. L’idée de L’audace d’entreprendre, c’est aussi d’éviter l’isolement et de montrer que c’est possible. On tient à accompagner un maximum de personnes. On n’attend pas le grand soir, on n’attend pas l’idée du siècle, il y a plein de petits projets à mener. On peut entreprendre à tout âge, y compris dès 10 ans.
D.B. L’idée n’est pas d’être un autre réseau parmi les réseaux. Il y a plein de structures existantes. L’audace d’entreprendre, c’est plutôt un mouvement fédérateur. Nous l’avons vu quand nous avons commencé à monter ce projet : les réseaux d’accompagnement qui nous ont rejoints ne se connaissaient pas. Créer L’audace d’entreprendre a permis de créer des ponts entre eux, de faire des choses, d’imaginer de nouveaux liens, de se rendre compte que l’adhérent d’un réseau pourra devenir celui d’un autre réseau un peu plus tard. Ce projet a été pensé comme étant au service de ces réseaux, pour les mettre en valeur et leur permettre de coopérer et d’accélérer sur certains sujets.
L’idée est de sensibiliser à l’entrepreneuriat dès le plus jeune âge. C’est vrai que ce n’est pas le genre de formation qu’on apprend dans les manuels scolaires…
J.P.G. Je pense que ça devrait être obligatoire. On enseigne l’économie, je pense qu’on devrait aussi enseigner l’entreprise. Les jeunes sont capables de comprendre très vite toutes les problématiques. Il y a des initiatives formidables comme Nos quartiers ont du talent, Jean-Michel Cadet et son concept Germes d’entrepreneurs, Entreprendre pour apprendre ou encore les Entrep’ du Réseau Entreprendre.
Comment maintenir la flamme entrepreneuriale quand on arrive au crépuscule de sa vie ?
D.B. Il y a d’abord une question de réciprocité ; de s’investir en montrant la voie aux plus jeunes. Mais, plus que maintenir la flamme, je pense que l’objectif est de permettre à des cadres qui n’ont jamais été entrepreneurs de le devenir.
Est-ce une idée reçue de dire que les Français sont majoritairement critiques à l’égard de l’entrepreneuriat ?
J.P.G. J’ai l’impression que nous avons créé une double France : une France jalouse et une France en colère. Je disais à notre préfet, très actif : « En France, c’est terrible, on n’a pas le droit d’échouer et on n’a pas le droit de réussir, il faut changer tout ça« . C’est étrange, car on souhaite la réussite scolaire, la réussite sportive, la réussite politique, mais pas la réussite entrepreneuriale. Mbappé, il gagne 100 millions, tout le monde applaudit ; un chef d’entreprise gagne un million, il se fait siffler. Nous devons travailler à la réussite entrepreneuriale individuelle et collective, mais aussi travailler à mieux répartir les fruits de la réussite et du succès.
Dans cette notion de partage, il y a par exemple un concept que vous avez créé : le mur des idées. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
D.B. En tant qu’entrepreneurs, nous avons plein d’idées que nous avons mises au placard et que nous n’avons pas eu le temps de développer. Plutôt que de les perdre, mieux vaut les proposer à de futurs entrepreneurs. Les personnes intéressées pourront ensuite être mises en relation avec les porteurs de ces idées. Nous allons faire la même chose avec le mur de la franchise.
Vous avez des idées que vous avez mises au placard ?
J.P.G. J’ai créé un jeu qui s’appelle « Sensory Management » que je n’ai jamais finalisé. L’objectif était de découvrir avec quel sens nous étions les plus à l’aise pour manager une entreprise. Il y avait aussi un projet de pressothérapie que j’avais initié.
D.B. J’ai toujours voulu créer un journal des bonnes nouvelles. Ce serait un journal papier qui ne parlerait que des bonnes nouvelles. J’ai tout le business plan, il est prêt depuis 2005.
« Le succès consiste à aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme ». D’accord avec Winston Churchill sur cette citation ?
J.P.G. J’ai toujours du mal avec le mot « échec » ; je préfère parler d’expérience. Il faut toujours tendre vers la réussite, qu’elle soit individuelle ou collective, et parfois, il faut faire face à des obstacles. C’est pour cela que nous avons le programme Rebondir, pour aider les personnes en difficulté.
D.B. Je pense que la traduction française n’est peut-être pas la meilleure. Ce qu’il voulait dire selon moi, c’est que malgré les aléas de la vie, il faut toujours garder son enthousiasme. Il faut transformer les problèmes en opportunités.
Photographe : Jonas Jacquel