À l’occasion de l’avant-première de Je te promets d’être sage, le premier long métrage de Ronan Le Page tourné en partie au Musée des Beaux Arts de Dijon, Pio Marmaï se confie dans un entretien.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans la proposition de Ronan Le Page ?
Je n’avais pas le sentiment d’avoir jamais croisé des types qui ressemblaient à Franck et j’ai d’abord été attiré par l’étrangeté et la poésie qui se dégageaient de ce garçon qui se fait engager comme gardien de musée ; l’atmosphère du récit, électrique et douce à la fois, m’a immédiatement touché. Je sentais que c’était la possibilité d’explorer de multiples pistes de jeu ; aller vers toutes sortes d’excès. À jouer, ça allait forcément être truculent.
Au delà de la comédie pure, le film mélange plusieurs autres genres – la comédie romantique, le film d’arnaque…
C’était un pari – un pari osé – qui aurait pu ne pas fonctionner, mais un pari de metteur en scène. Une raison supplémentaire pour y aller.
Comment définiriez-vous votre personnages ?
C’est la contradiction qui m’intéresse chez Franck : il est dans l’explosion permanente et il décide d’aller dans l’endroit le plus calme du monde. Il m’évoque un peu Henri, mon personnage dans Maestro de Lea Fazer qui rêve de films d’action et se retrouve à jouer L’Astrée. Mais ce qui me touche le plus, c’est que, quoi que fasse Franck, le désir d’art resurgit naturellement, comme s’il lui était impossible d’échapper à son envie de création et de liberté. Comme si cela dépassait sa simple volonté. Cela s’impose malgré lui. Ce qu’il propose n’est pas forcément brillant, mais cela le rattrape et le sauve. Je trouve ça magnifique. C’était très inspirant.
Qu’est ce qui vous pousse à vous engager, comme vous le faites souvent, sur des premiers films ?
Pour moi, l’écriture est déterminante dans le choix d’un film, c’est toujours à elle que je m’accroche. Un scénario a autant de valeur à mes yeux que les films qu’a pu faire le metteur en scène avant. Même si je me pose forcément des questions sur la façon dont le travail se déroulera sur le plateau, je sais que je pourrais m’appuyer sur cette ossature. Après, j’ai eu beaucoup de chance avec les premiers films que j’ai tournés. Je pense notamment à Alyah d’Elie Wajeman, et, récemment à Mais vous êtes fous d’Audrey Diwan.
Racontez-nous votre première rencontre avec Ronan Le Page.
Je suis plutôt spontané, parfois excessif. Au premier abord, Ronan a tendance à s’effacer : j’ai eu besoin de deux ou trois rendez-vous pour entrer dans son univers. Lorsque Léa est arrivée dans la distribution, je n’avais plus de doute. Elle et moi nous étions plusieurs fois croisés dans des festivals, j’avais très envie de travailler avec elle.
Comment avez-vous préparé votre personnage ?
Ce que j’aime par-dessus tout dans ce métier, c’est explorer, proposer. Je crois profondément à la masse de propositions sur un plateau. Je fais en sorte d’être le plus détendu possible avant une prise pour être le plus concentré et le plus précis possible pendant. Sur Je promets d’être sage, c’était d’autant plus indispensable que je devais être à la fois très précis sur le texte et dans des énergies qui ne correspondent pas du tout à celle que j’ai dans la vie. Il fallait faire surgir tout cela.
Comment vous accordiez-vous avec Léa Drucker sur le plateau ?
Même si nous avions une approche différente des personnages que nous incarnions, ce n’était pas du tout contradictoire. C’était même au contraire très cohérent. On se poussait vers le haut, avec une sorte d’émulation presque enfantine. On voulait tout le temps se surprendre, s’amuser… J’en garde un souvenir de bouillonnement, d’échanges presque électriques.
Quelle est la première scène que vous avez tournée ?
La scène d’ouverture, lorsque Franck pète les plombs en plein spectacle. Elle s’étalait sur deux jours, elle m’a demandé un engagement physique total qui m’a vidé autant qu’il m’a presque dépassé. J’ai adoré tourner cette scène ; c’était comme si j’étais dans une création pure. Je ne me suis rien interdit, je devais à la fois être dans un état de transe tout en ayant une certaine drôlerie. J’ai été ridicule, fantaisiste, excessif… A l’arrivée, nous avions des tonnes de rushes et aurions pu monter quinze séquences différentes. Ronan m’a laissé aller au bout de mes propositions, même les plus dingues. Ce n’est pas courant.
Ronan vous a parfois demandé d’improviser…
Une fois tournées les séquences prévues dans l’écriture, nous nous sommes parfois autorisés de petites choses, de petits rajouts, mais toujours en restant dans l’énergie et le fil des scènes. C’était lié à la complicité que nous avions Léa et moi : nous nous approprions certaines choses de l’ordre de la drôlerie et de la causticité qui nous rapprochait et nous permettait de nous accorder encore davantage à certains endroits.
Vous partagez une passion pour le théâtre.
J’y suis revenu en 2015 avec Roberto Zucco à un moment où je ne me satisfaisais plus de ce que je faisais au cinéma. J’avais besoin de me resensibiliser à l’écriture, à la langue et à une poésie qui n’est pas toujours présente au cinéma, plus naturaliste. Ce retour m’a transformé en me plaçant à un endroit que je ne veux plus quitter. Un lieu d’exigence. Jusque là, j’essayais avant tout de coller à certaines attentes – le respect des codes et d’un certain milieu – qui m’étaient au fond étrangères. Depuis que je m’en suis affranchi, je me sens beaucoup mieux, beaucoup plus créatif.
Source : dossier de presse