Légende mondiale de l’escalade, directrice des éditions du Mont-Blanc, Catherine Destivelle préside cette année le jury film du festival international Les Écrans de l’aventure qui se tiendra du 1er au 6 octobre.
J’aime Dijon. Vous êtes éditrice. Pourquoi lier littérature et sport ?
Catherine Destivelle : Pour montrer qui sont les alpinistes, l’esprit de ces athlètes et l’histoire de cette pratique. Nos livres aux éditions du Mont-Blanc parlent de motivation, de ce qui se passait dans leurs têtes dans des contextes politiques et sociologiques particuliers.
Vous avez connu la compétition et les exploits solitaires, comme les ascensions hivernales de l’Eiger, des Grandes Jorasses et du Cervin.
Chaque génération s’illustre à sa façon. Aujourd’hui il y a ceux qui enchaînent rapidement des sommets, ceux qui font des premières lointaines de pur alpinisme, et ceux comme Benjamin Védrines qui ouvrent de nouvelles voies dans des massifs inconnus comme de battre des records de vitesse sur des 8000.
Cette présidence, un message ?
Un festival est l’occasion pour les gens de rêver et s’inspirer de films ou de livres. Sans Heidi et Belle et Sébastien, je ne serais pas devenue l’alpiniste que je suis. Dormir une nuit dehors à côté de chez soi, c’est encore permis et c’est une petite aventure. Même dans votre jardin, c’est un pas vers quelque chose de différent. Les alentours de Dijon sont magnifiques, avec de belles balades à faire dans les vignes et en forêt.
Petite, vous filiez faire de l’escalade dans les Alpes du Sud en faisant croire à vos parents que vous étiez à Fontainebleau.
Mes parents m’ont autorisé à faire le tour de l’Oisan à 13 ou 14 ans, seule et sans téléphone. J’ai trouvé ça génial, ça m’a fait grandir. Je me suis débrouillée avec ma carte, mon sac et dix jours après, je les ai appelés pour qu’ils viennent me récupérer dans un village. Mon fils a souhaité vivre des aventures similaires. Je lui ai donné l’autorisation parce que je l’ai vécu. Mes parents étaient ouverts, me faisaient confiance, je me suis construite ainsi. Il faut rendre les enfants responsables, c’est aux parents d’avoir la juste attitude, de tenir un rôle aventurier en donnant l’exemple pour que leurs enfants sortent du cadre. Ils grandiront différemment, deviendront plus innovants et seront des moteurs.
La place des femmes dans le monde de la montagne.
J’ai eu la chance d’être bien accueillie, on m’a laissé passer en tête quand je voulais, mais je dois reconnaître que j’avais un super niveau. Je devenais alpiniste professionnelle et ne voulais pas faire n’importe quoi. Je voulais réaliser des premières tout court, pas des « féminines ». J’ai gravi l’Eiger en hiver, en solitaire, sans repérage. Les hommes qui l’avaient fait avant moi connaissaient la paroi. Moi, non. J’essayais d’avoir des performances à l’égal des meilleurs alpinistes pour être traitée d’égal à égal.
Le solo intégral sans corde ?…
J’ai commencé à 13, 14 ans tellement j’avais envie de grimper ! Rien de difficile, je n’ai jamais été casse-cou. J’ai pris l’habitude de rester concentrée, j’aime avoir de la marge. Pour cette raison, le solo m’a procuré énormément de plaisir, on se sent invulnérable. J’ai commencé la falaise en Bourgogne. J’étais parisienne, le Club alpin français nous emmenait dans le Saussois, à Surgy… Saffres, ce sont mes premiers solos. C’était la grande aventure !
Les guerres explosent, la nature s’effondre.
C’est affligeant mais j’ai envie de transmettre de l’optimisme en espérant que nous trouvions des solutions en changeant de mode de vie. Je sais que je me voile la face. Les jeunes sont plus inquiets que nous et il est difficile de les rassurer. Apporter une pierre à l’édifice n’est pas facile alors j’imprime mes livres à côté, à Péronnas. J’essaye d’être attentive en espérant que tout le monde suive.
Retrouvez toute la programmation des Ecrans de l’aventure sur le site de l’événement.
Interview : Olivier Mouchiquel.