« Corps, alimentation et réseaux sociaux » : quels défis et opportunités ?

Comment les images que nous voyons en ligne influencent-elles nos comportements alimentaires et notre image du corps ? Clémentine Hugol-Gential explicite ces liens complexes.

Dans ces espaces numériques qui cultivent les tensions, l’enjeu d’une alimentation et d’une image corporelle apaisées est de taille. Clémentine Hugol-Gential est professeure des universités en sciences de l’information et de la communication, directrice adjointe du laboratoire CIMEOS et surtout l’autrice de Corps, alimentation et réseaux sociaux.

« J’ai toujours eu pour leitmotiv de faire de la science ouverte, car je suis persuadée qu’elle doit circuler dans l’espace public, et non rester enfermée à l’université de Bourgogne, explique Clémentine Hugol-Gential. C’est mon travail de transmettre ce que j’analyse dans mes travaux, notamment car nous manquons de ressources et d’ouvrages accessibles. Il y a un enjeu d’éducation média, c’est pour cela que j’ai souhaité écrire ce livre ».

Clémentine Hugol-Gential est chercheuse depuis 16 ans et l’alimentation a toujours été son domaine de prédilection. Elle a notamment été à l’œuvre pour le projet Alimentation et Lutte contre les Inégalités en Milieu de Santé (ALIMS) et lauréate en 2022 du prix de recherche de la Fondation Roquette pour son projet innovant sur la représentation des corps et des assiettes sur les réseaux sociaux.

« Ce qui change avec les réseaux sociaux, c’est que nous suivons désormais des influenceurs : le corps est incarné et en tant que followers, nous les voyons tous les jours, voire plusieurs fois par jour » Clémentine Hugol-Gential.

Le corps s’exprime

Selon Clémentine Hugol-Gential, il convient de différencier la gastronomie (élément totémique), de l’alimentation qui est un besoin primaire mais aussi un fait de société, de santé publique et d’économie. Deux notions qu’elle a percé à jour lors de la soirée de lancement du livre mardi dernier, chez Un Singe en Hiver, devant une centaine de personnes et au côté d’Estérelle Payany, journaliste et critique culinaire.

Pour cette fois, la chercheuse en information-communication a décidé de regarder les choses sous un angle différent : l’alimentation oui, mais à travers aussi le corps, un objet important socialement.

« Lorsque l’on parle de corps, on parle de question individuelle. Mais ce qui m’a intéressée dans ces recherches, c’est de sortir de cette approche individuelle. Le corps est politique. Un corps gros n’est par exemple pas médiatisé, pourquoi ? Interroge Clémentine Hugol-Gential. Il a pourtant des choses à dire. Travailler sur cette visibilité, ou cette invisibilité, était pour moi devenu primordial ».

Influencer n’est pas jouer

À travers son livre, Clémentine Hugol-Gential s’attache à explorer la manière dont les réseaux sociaux influencent sur la présentation du corps. Si précédemment nous faisions la chasse aux mannequins trop minces, aujourd’hui, c’est une nouvelle forme d’influence qui est née avec les réseaux sociaux :

« Ce qui change avec les réseaux sociaux c’est que nous suivons désormais des influenceurs : le corps est incarné et en tant que followers, nous les voyons tous les jours, voire plusieurs fois par jour, explique Clémentine Hugol-Gential. Et parce que nous les apprécions dans leurs personnalités par exemple, nous avons envie de leur ressembler physiquement. C’est ainsi que nous allons nous conformer à elle/lui, en fonction de son régime alimentaire, par exemple ».

Dans ses sujets, Clémentine Hugol-Gential cite notamment Tibo InShape (Thibaud Delapart), récemment devenu le premier youtubeur de France avec 19.6 millions d’abonnés. Pour celle qui a collaboré à la réalisation de projets de recherche majeurs, qui est reconnue pour ses publications, conférences à l’internationales et son rôle dans des comités scientifiques, les faits sont là, et elle les écrits noir sur blanc.

Tout commence par « Lorsque j’étais enfant, l’objet le plus high-tech de la maison était un micro-ondes (…) », et tout termine par « Pourtant, vivre en permanence avec un écran-miroir connecté dans notre poche n’est pas neutre dans notre rapport à l’alimentation et aux corps et, plus globalement, dans notre rapport au monde et aux pouvoirs ».

Information : Corps, alimentation et réseaux sociaux (Editions le Murmure) est disponible dans les librairies (10 euros).